Le FONIO, une céréale ancestrale
- 30 juin 2024
- 8 min de lecture
Dernière mise à jour : 9 août
Le fonio est l’une des plus anciennes céréales qui existent. Il est un superaliment multiforme qui est en train de conquérir le monde grâce à ses incroyables vertus nutritionnelles et ses nombreuses utilisations culinaires. Plus qu’une simple graine, elle est une puissante source de nutriments, une part notable de la culture et des traditions africaines. Originaire de l’Afrique de l’Ouest, cette denrée est une aubaine financière prometteuse pour les agriculteurs et les entrepreneurs. Avec ses grains minuscules, mais fertiles, elle se distingue par sa capacité à prospérer dans des conditions climatiques difficiles.
Vous en saurez un peu plus sur le fonio dans ce guide complet où nous vous présenterons :
son historique,
les méthodes de production et les pays producteurs,
les grandes variétés qui existent,
les diverses manières de le préparer,
ses propriétés nutritionnelles,
quelques marques africaines qui en font la transformation,
les défis et les solutions pour réussir cette culture en Afrique,
les perspectives économiques qu’il représente pour l’avenir,
des idées d’investissement dans ce secteur.
L’histoire du fonio : origines et caractéristiques
Connue sous le nom scientifique de Digitaria exilis, la céréale est cultivée depuis plus de 5000 ans. Elle est considérée comme la plus ancienne du continent. Elle mesure entre 30 et 80 cm de hauteur et produit de minuscules graines de moins de 2 mm. Sa polyvalence culinaire est impressionnante, car elle est transformable en bouillie, en boules et en couscous. Elle est surtout semée dans le Sahel en raison de sa résistance à la sécheresse. Pour de multiples ethnies de ce territoire, le fonio est un aliment royal et son importance ne fait que croître avec le temps. Entouré de nombreux mythes, il occupe une grande place dans les récits cosmogoniques, en particulier chez les Dogons du Mali. Il symbolise, pour ce peuple, l’agriculture face à la nature sauvage.
Les premières mentions écrites de cet aliment remontent au XIVe siècle, quand l’explorateur Ibn Battûta la décrit dans son voyage au Soudan. Il le comparait aux graines de la moutarde. Appelé fundi, fini, ou foinye, selon les régions, il a traversé les âges et les traditions. Sa production a toutefois décliné au XXe siècle à cause du manque d’équipements adaptés pour le disséquer. La colonisation est en partie responsable de cette baisse, car elle a introduit d’autres céréales : maïs, riz, blé. Il reprend sa place dans l’exploitation moderne grâce à une machine inventée au début des années 2000 par Pierre Thiam et Hamidou Sall.

Comment se fait la culture du fonio et quels sont les pays producteurs ?
La culture de cette denrée se fait surtout sur des sols dunaires et pauvres. La Guinée est de loin son premier producteur, suivie du Nigeria et du Mali. Pour la planter, les femmes font au préalable un traitement laborieux à l’aide de mortiers et de pilons. Ce processus comprend le décorticage (éradication des glumes et glumelles) et le blanchissage (élimination du son et du germe). Il demande entre 4 et 5 pilages alternés avec des vannages. Pour obtenir un produit de bonne qualité, toutes les impuretés et le sable sont à enlever par des lavages répétés. Il arrive à maturité très vite en 6 à 8 semaines entre la semence et la récolte en début de saison des pluies.
La possibilité de faire jusqu’à trois moissons par an est l’avantage de ces courts cycles. Le labour se fait par un grattage superficiel d’environ 10 cm de profondeur avec la houe ou la daba. Sur de grandes superficies, la culture à la charrue attelée est pratiquée en raison de sa rapidité par rapport au travail manuel. Dans le rang des pays qui produisent du fonio, nous avons aussi : le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Bénin et le Togo.
Les différentes variétés qui existent
Deux principaux types de Digitaria exilis sont disponibles : une version mâle et une femelle. La première forme, de teinte rougeâtre, se récolte dès le début du troisième mois, et la seconde, plus blanche, à la fin. Au Bénin, deux groupes de diversités sont cultivés selon leur cycle. Il s’agit des variétés précoces, avec une saison d’environ 100 jours, et celles tardives, qui ont besoin de plus de 120 jours. Elles sont aussi classées par couleur. Le blanc, avec des grappes brunes, est appelé Iporapia en Ditamari tandis que le rouge, avec des racèmes violacés, est connu sous le nom de Iporawan. La variante noire, en revanche, est surtout mise en terre au Niger, au Nigeria, au Bénin, au Togo et au Tchad.

Les dérivés et les plats à base de cet aliment
Le fonio se décline en une multitude de produits transformés par de petites entreprises locales. Vous en trouverez en format décortiqué, blanchi, précuit, étuvé ou torréfié. À moitié cuit, il est vendu au Mali, au Burkina Faso, au Sénégal, et exporté vers l’Europe et les États-Unis. En Guinée, il est surtout servi grillé. Le Djouka, une spécialité à l’arachide, est populaire au Mali. Vous pouvez aussi découvrir des couscous comme le Moni ou le Dégué, roulés à partir de sa farine. L’étuvée, une variante récente, est surtout destinée à l’exportation. Dans les cuisines, c’est un ingrédient très apprécié lorsqu’on l’utilise pour faire des gâteaux, des beignets et des cakes, aux textures uniques.
Les unités de transformation moderne basées au Bénin produisent plus de quarante produits différents. Nous pouvons citer entre autres : des pâtes, de la bouillie, de la semoule, des biscottes, du pain sans gluten et même de la bière. Pour vous procurer ces délices, rendez-vous dans les supermarchés et les magasins d’Afrique de l’Ouest. La modernisation des équipements a permis de diversifier et d’améliorer la qualité des articles. Cette disposition aide les acteurs de la filière à répondre à une demande croissante sur les marchés locaux et internationaux.
Les caractéristiques nutritionnelles du fonio
Les grains comportent assez de magnésium, de calcium, du zinc et du fer, offrant ainsi de nombreux bienfaits pour l’organisme. C’est un aliment léger, très digeste, idéal pour les régimes sans gluten et un appareil digestif sensible. Sa teneur en magnésium contribue à réduire le stress et favorise la relaxation musculaire. Le calcium soutient la santé des os et des dents, tandis que le zinc renforce le système immunitaire et accélère la cicatrisation. Sa richesse en fer sert à lutter contre l’anémie, et son fort taux en fibres améliore le transit intestinal. Riche en protéines végétales, il contient tous les acides aminés nécessaires, une particularité qui le rend parfait pour les végétariens.
Son faible indice glycémique, en aidant à stabiliser la glycémie, fait qu’il est adapté aux diabétiques. Vous y trouverez même des vitamines B1 et B2 utiles pour le métabolisme énergétique, le dispositif nerveux et l’hygiène de la peau. Cette céréale est très efficace dans la lutte contre la faim en Afrique. Elle présente des avantages économiques, thérapeutiques et agroécologiques. C’est un superaliment prometteur, aussi bien localement qu’à l’échelle mondiale.

Focus sur des marques qui transforment le fonio
De nombreuses marques de produits à base de cette denrée commencent à voir le jour sur le continent africain. Bien qu’elles ne soient pas encore très connues par une grande partie de la population africaine, elles se construisent une notoriété à l’international.
IBEMI Fonio
En Bambara, une langue parlée au Mali, « Ibémi » signifie « où es-tu ? ». C’est en 2019, suite à un voyage au Togo, que la marque Ibémi Food voit le jour. Les quatre co-fondateurs, Mathieu et Nicolas Fourn, deux frères, et leurs amis, Timothée Badin et Leny Bensaid, découvrent un patrimoine culinaire riche. La magie s’opère pour eux lorsqu’ils goutent à des saveurs inattendues dans les hauts plateaux de Kpalimé à l’ouest du pays. Cette expérience inspirante les pousse à créer une entreprise dédiée à la redécouverte et à la promotion d’aliments africains méconnus. Ibémi œuvre donc à introduire le fonio auprès des consommateurs européens en nouant des partenariats bioéquitables avec les communautés agricoles du Sahel.
Yolélé et OFONIO
Yolélé est une entreprise alimentaire africaine basée aux États-Unis, dédiée à la mise en avant des ingrédients africains sous-utilisés, tels que le fonio. La société a pour objectif de les intégrer dans les productions à valeur ajoutée en ciblant un public international. Pierre Thiam, chef sénégalais, auteur et président de Yolélé, a pour ambition de faire connaître cette graminée. Il la considère comme une solution clé pour une agriculture et une consommation durables à l’échelle mondiale. Pour en savoir plus sur cette marque, vous pouvez consulter notre article sur Yolélé. O FONIO pour sa part est une création de ILERA NATURALS, une startup béninoise spécialisée dans l’offre de remèdes de santé naturelle. Avec sa collection O FONIO, elle propose des biscuits, des collations et des desserts sains à base de marchandises locales. Cette entreprise offre une gamme savoureuse et nourrissante de gâteaux secs, composés à 100 % de farine de cette semence, de sucre roux et d’amandes.

Défis et solutions
Le fonio peut avoir un impact sur de nombreux défis agricoles et climatiques que connaît le Sahel aujourd’hui. Elle contribue aux besoins de subsistance et peut sauver des vies. Sa mise en terre est restée artisanale jusqu’à présent. Les agriculteurs font face à plusieurs challenges de rentabilité et de productivité. Nous avons entre autres la qualité des grains, la transformation difficile (battage et décorticage), la création de marchés et de réseaux de distribution. Elle est sujette à des maladies fongiques bien que peu sensible. Le fonio pourrait devenir une culture clé avec des technologies modernes pour améliorer le rendement. Il peut aussi offrir des solutions durables pour l’environnement et la sécurité agroalimentaire.
Économie et opportunités d’investissement
En décembre 2018, la Commission européenne a approuvé la commercialisation des grains de fonio décortiqués en tant que nouvel aliment en Europe. La décision est prise en conformité avec le règlement d’exécution (UE) 2018/2016. Elle a ouvert d’autres opportunités pour cette graminée sur le territoire européen. Les pays avec le plus grand potentiel de croissance pour ce produit sont la France, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, l’Italie, l’Allemagne… Le volume d’importation durant les deux premiers trimestres de 2021 s’élevait déjà à 226 tonnes. La quantité annuelle totale était estimée à environ 450 tonnes, bien supérieures aux années précédentes. La France en achète de façon modeste, mais constante, avec un chiffre d’import en 2020 de 66 000 €. En 2020, les Pays-Bas en ont importé pour un montant de 111 000 €, la plus accrue en Europe cette année-là. Bien que les expéditions allemandes soient encore négligeables, le pays est un marché majeur en raison de sa démographie et de sa pâtisserie mature. L’Allemagne est le leader de ce commerce avec une industrie du pain d’une valeur de 21 milliards d’euros.
Les grains de cette céréale ont commencé à apparaître dans les magasins bios et les boutiques en ligne de nourriture saine, mais aussi dans les grandes surfaces classiques. Ils sont vendus par exemple chez Carrefour en France, Ocado au Royaume-Uni, et dans les supermarchés Jumbo aux Pays-Bas. Aujourd’hui une multitude d’accords existent entre les entreprises, les gouvernements et les producteurs. Ces partenariats ouvrent la voie à une expansion florissante de cette culture sur le plan international. Le projet ambitieux de la vente directe de fonio entre les États-Unis et le Mali est un exemple palpable. Cette initiative est rendue possible grâce à une collaboration entre le Mali, Shi SA et Yolélé. Elle est soutenue par une subvention de 1,9 million de dollars de l’USAID West Africa Trade & Investment Hub.

Idées et opportunités d’investissement
Les investisseurs et entrepreneurs peuvent investir dans des terres pour cultiver du fonio, en appliquant des pratiques agricoles durables pour maximiser les rendements. Utilisez des techniques modernes et des variétés évoluées pour faire croître la productivité. Fournissez des services de formation et de support technique aux agriculteurs locaux serait tout autant une belle initiative. L’objectif est d’améliorer leurs compétences en matière de culture. Mettez en place des installations pour transformer la matière première brute en produits finis pour favoriser l’essor de la filière. L’idée est d’avoir de la farine, des flocons et des mélanges prêts à cuisiner, car c’est un moyen efficace pour ajouter de la valeur et augmenter les marges bénéficiaires.
Une autre possibilité est de développer des recettes innovantes à base de cette graine. Nous avons, par exemple, des pâtes, des barres énergétiques, des céréales pour petit-déjeuner et des snacks. Vous pouvez aussi ouvrir des magasins spécialisés ou des stands de marché pour vendre la substance première ou le résultat de sa transformation. Ciblez les niches internationales en exportant des variantes de fonio transformées. Identifiez les pays avec une demande grandissante pour des superaliments et établissez des partenariats avec des distributeurs locaux.
Conclusion
La culture du fonio offre des opportunités exceptionnelles pour l’Afrique et le monde entier. Dans la lutte contre la faim, l’insécurité alimentaire et la préservation de l’environnement, c’est un grand allié. Moderniser les techniques de production et renforcer les chaînes de valeur est indispensable pour maximiser ses bénéfices.

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